12/02/05

INESIANAS - 9


Inès de Castro


Le passage des navires
imprime dans les eaux
majestueuses et joyeuses
du Tage
ces paroles ailées
prononcées par l’antique
Amante: « Je suis Inès de Castro,
l’Amante portugaise!
je fus haute
dans mon Amour
et fine dans mon Désir!
Je n’ai recherché
que la Volupté,
Souverain Bien
de mon Prince,
Suprême Réalité,
depuis les temps immémoriaux
de Cyrène,
de tous les hommes
qui en sont immortels,
ne pouvant mourir
après l’avoir goûtée!


Car la Volupté
chante jusque dans les cieux
de sa bouche de grenade
et de feu
où les rivières
échangent leur sang!
Elle est même
céleste et divine,
étant le secret,
jalousement gardé,
des dieux!
D’ailleurs, j' en fus
une des Incarnations,
de surcroît lusitanienne!


Et je devins
pour mon Amant
le ciel et les étoiles
et les météores et les comètes
et le Soleil et les Lunes
et leurs danses circulaires,
leurs rondes incessantes
autour de l’Être,
pareil à ma vulve
qui fut la source
de tout rayonnement,
de toute confluence,
de toute paix!


Je fus pour lui,
mon Roi et Maître,
la Terre,
étendue comme un luth
langoureux
avec ses moissons bienheureuses,
avec ses récoltes de figues
alentéjanes,
avec ses vendanges savoureuses,
avec ses collines boisées
où l’on trépasse de bonheur!
Pour lui, mon aurore,
je fus le crépuscule d’été
qu’il souhaita arrêter
pour à jamais
fixer mon image!
Pour lui, la fleur de mes yeux,
je fus la Nuit
vaste comme un puits
de diamants bleus!


Pour lui, mon fleuve d’or,
je fus un pont de Navarre
à six arches,
chiffre de Vénus!
pour lui, le trône de mon corps,
je fus un abreuvoir de nacre!
Pour lui, mon blanc papillon,
je fus le vent
dont rêvent les chrysalides!
Pour lui, mon Âme diverse,
je fus l’ombre smaragdine
de l’oasis irriguée
du seul chant
des hirondelles!


Pour lui, mon Algarve,
je fus tous les jardins
du Portugal!
Pour lui, mon olivier,
je fus le sol
où jettent leurs racines
tous les oliviers!

Pour lui, mon Océan,
je fus le port de Lisbonne,
le port le plus riche
en Espérance,
le pli ultime
du Regret!


Que ceux, sombres et froids
courtisans,
ennemis du jaillissement vital,
ennemis de la Terre,
qui m’enlevèrent
à sa vue
en m’enlevant la vie,
ne soient jamais pardonnés!
Que la géhenne
brûle éternellement pour eux,
car impardonnables sont
les attentats contre l’Amour,
et inexcusables
les outrages au Désir!»


Et les blancs vaisseaux
de passer et de repasser
dans la brume des chrysoprases,
résonnant dans leur sillage
de ces paroles,
sacrées parmi toutes les paroles!



Théo Crassas -Citadelles De Cuivre.
Éditions Associatives Clapsas
Février 2000

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